Faire ce qui doit être fait

Message du Conseil Spirituel de l'AZI.

Chers amis,

Chaque année, nous frappons la peau du tambour pour rappeler l’importance que revêtent les moments propices de pratique quand nous nous retrouvons dans les divers centres, temples et dojos, et bien entendu à la Gendronnière, notre temple mère. Et chaque année, certains viennent, d’autres pas. Chacun a ses raisons, et ces raisons sont toujours bonnes. Cependant, les raisons que nous nous donnons pour ne pas répondre à cet appel sont souvent pauvres sur la Voie ; comme si le temps était éternellement extensible, et que tout pouvait être remis à plus tard.
Que dire cette année alors que nous sommes réellement empêchés ? Cette fois-ci, la raison s’apparente à une question de vie ou de mort. Il nous est interdit de nous déplacer. Un grand nombre de sesshin ont été annulées un peu partout dans le monde.
Nous pensons toujours que nous avons le choix d’aller et venir ; le choix du libre arbitre. Mais n’y a-t-il pas de l’arrogance dans l’illusion de cette forme de liberté ?
La vraie liberté ne résiderait-elle pas plutôt dans le respect des usages, de faire ce qui doit être fait, dans une forme de fidélité à soi-même, à la chose dite, à l’ordination ?
Pensez aux arbres immobiles dont la vie se déroule au même endroit, sans aucune possibilité d’échapper au froid ou de fuir le soleil, et cependant ils se dressent majestueusement. Petit, grand ou noueux, l’arbre accomplit sa fonction dans la nature, et sa vie a quelque chose de celle du moine.

Il y a une réflexion dans un ouvrage de Rabelais (en vieux français : Tout vray à tout vray consonne), qui dit : « Si les signes vous fâchent, ô quand vous fâcheront les choses signifiées. »
Ce qui en langage moderne s’écrirait :

« Si les signes vous irritent, ô combien vous irriteront les choses qu’ils signifient ! Tout signifiant véritable correspond à un signifié véritable. »

On parle souvent dans le zen de s’éveiller à soi-même, à sa véritable nature. En Occident, on parle volontiers de conscience de soi, et derrière cela on devine l’obsession de l’ego — de petit et de grand ego —, de soi-même au centre de l’univers.

Mais dès qu’on s’éveille, notre profonde nature rejoint l’universel qui, telle l’univers, est en constante expansion.

Le philosophe japonais Kitarō Nishida parle d’un éveil à soi du soi :

« Un éclair d’éternité dans le temps, une sensation éphémère de la totalité au milieu des buts et des ambitions fragmentaires qui, généralement conduisent nos vies. »
Dôgen dit : « Quand la Voie est confiée à la Voie, nous obtenons la Voie. »

Il n’y a pas d’ego à abandonner. Il n’y a rien à abandonner. L’idée même d’un ego à abandonner est absurde. C’est comme le désir de liberté qui n’est qu’une idée de prisonnier.
Toute chose est fondamentalement libre. Nous tissons nous-mêmes les cordes qui lient nos mains et nos pieds.

On peut voir la crise que nous vivons comme une crise de plus, et que bientôt la vie redeviendra comme avant. Il serait préférable d’y voir un signe qui devrait parler à notre cœur, et nous questionner sur notre façon d’être, de vivre ; sur notre environnement, sur le monde dans lequel nous vivons, et celui dans lequel nous voulons vivre.

Je vous laisse ces mots venant du taoïsme ancien :

« Étreindre la joie qui passe au vol,

Et vivre au soleil levant de l’éternité. »

Bien à vous tous.

Raphaël Dôkô Triet